jeudi, 24 janvier 2013 00:00

La chute de la maison Usher

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"Son cœur est un luth suspendu ,Sitôt qu'on le touche ,il résonne."( De Béranger)

La maison-Usher illustration  mes aquarellesPendant toute une journée d'automne, journée fuligineuse , sombre et muette, où les nuages pesaient lourds et bas dans le ciel, j'avais traversé seul et à cheval , une étendue de pays singulièrement lugubre, et enfin, comme les ombres du soir approchaient , je me trouvais en vue de la mélancolique maison Usher.Je ne sais comment cela se fit, _ mais au premier coup d'œil que je jetai sur le bâtiment, un sentiment d'insupportable tristesse pénétra mon âme. Je dis insupportable, car cette tristesse n'était nullement tempérée par une parcelle de ce sentiment dont l'essence poétique fait presqu'une volupté, et dont l'âme est généralement saisie en face des images naturelles les plus sombres de la désolation et de la terreur. Je regardais le tableau placé devant moi, et, rien qu'à voir la maison et la perspective caractéristique de ce domaine_ les murs qui avaient froid ,_ les fenêtres semblables à des yeux distraits, _ quelques bouquets de joncs vigoureux, quelques troncs d'arbres blancs et dépéris, j'éprouvais cet entier affaissement d'âme qui, parmi les sensations terrestres, ne peut se mieux comparer qu'à l'arrière rêverie du mangeur d'opium, _ à son navrant retour à la vie journalière, à l'horrible et lente retraite du voile. C'était une glace au cœur , un abattement, un malaise, _ une irrémédiable tristesse de pensée qu'aucun aiguillon de l'imagination ne pouvait raviver ni pousser au grand. Qu'était donc, _ je m'arrêtai pour y penser, _ qu' était donc ce je ne sais quoi qui m »énervait en contemplant la Maison Usher ? C'était un mystère tout à fait insoluble, et je ne pouvais pas lutter contre les pensées ténébreuses qui s'amoncelaient sur moi pendant que j'y réfléchissais . je fus forcé de me rejeter dans cette conclusion peu satisfaisante , qu'il existe des combinaisons naturelles d'objets très simples qui ont la puissance de nous affecter de cette sorte, et que l'analyse de cette puissance gît dans des considérations où nous perdrions pied Il était possible , pensais-je, qu'une simple différence dans l'arrangement des matériaux de la décoration , des détails du tableau, suffit pour modifier, pour annihiler peut-être, cette impression de puissance douloureuse ; et, agissant d'après cette idée, je conduisis mon cheval vers le bord escarpé d'un noir et lugubre étang, qui, miroir immobile , s'étalait devant le bâtiment ; et je regardais,_ mais avec un frisson plus pénétrant encore que la première fois, _ les images répercutées et renversées des jonc grisâtres, des troncs d'arbres sinistres, et des fenêtres semblables à des yeux sans pensées.

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(Edgar Poe traduction Ch. Baudelaire

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