mercredi, 30 janvier 2013 11:41

Le poème d'Ougarit

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Les textes de Ras-Shamra ( l'antique Ougarit, ou Ugarit )

A propos du poème découvert au cours des fouilles de 1929:....

-Tablettes de terre cuite; caractères cunéiformes, alphabétiques et non syllabiques comme ceux qu'employaient les Assyriens-Babyloniens.

-La forme: elle obéit comme la poésie de l'ancien testament au principe du parallélisme des membres, ex:

a) nul ennemi ne se dressera contre BAAL
b) Nul adversaire , contre le chevaucheur des nuées.

Avant d'être détruite et rasée au XII° s av JC lors des invasions des Peuples de la mer, Ougarit a été le point de rencontres d'influences multiples : Sémitiques, Suméro-Babyloniennes, Hourrites, Egyptiennes, Egéennes comme le montre son art composite.

Mais les mythes sont rédigés dans l'idiome sémitique, les dieux qu'ils mettent en scène portent des noms sémitiques. Les textes n'ont pas été créés pour le seul plaisir de conter et laissent percevoir qu'ils étaient destinés à être récités ou chantés dans une fonction liturgique.

Les mythes relatent en les justifiant le déroulement d'un rituel faisant revivre aux fidèles les exploits des dieux.

ougarit carte wikipédia

Ougarit en actuelle syrie
Le panthéon d'Ougarit

Le titre de "Taureau" donné à EL lui confère une puissance irrésistible; il est le père des dieux et le père des hommes , créateur des choses crées.

C'est un vieillard, on l'appelle le père des ans; Comme le dieu d'Israël il reçoit le titre d'Ancien des jours. Du vieillard il a la barbe chenue, l'infinie sagesse et la bonté. Il est le favorable , le miséricordieux (rappelle les épithètes donnés à Allah par le Coran)

Mais il semble très éloigné de sa création: réside en un lieu mystérieux et lointain, A la source des rivières, aux creux des abîmes, probablement au confluent des deux branches du fleuve cosmique qui enserre de ses eaux l'univers visible (les eaux d'en haut, et les eaux d'en bas séparées par le firmament selon la genèse).

Il semble également rester à l'arrière plan des narrations épiques. N'est-il pas un majestueux garant de l'ordre cosmique, surveillant de haut le jeu des forces dont dépendent la vie du monde et des hommes, forces incarnées par d'autres dieux plus proches des hommes et adorés avec plus de ferveur?

Le poème: "la naissance des dieux gracieux", serait le vestige d'un ensemble plus conséquent dans lequel EL jouerait un rôle plus actif:

"El se tient au bord de la mer, il charme deux femmes par l'étendue de sa main (son membre viril). Elles deviennent ses épouses et mettent au monde les dieux gracieux Shahar l'aurore et Shalim paix ou crépuscule que la déesse Athirat la miséricordieuse (parèdre attitrée du père des dieux) allaite de ses mamelles.

Le poème devait accompagner un mariage sacré destiné à promouvoir la fertilité des champs et la fécondité des troupeaux.

Mythe agraire, le poème fait contraste avec les autres textes ougaritiques en raison de la place qu'il donne au dieu EL.
BAAL et le prince de la mer

Le prince Yam (son signifie la mer appelé aussi juge-fleuve ) a décidé qu'un palais lui serait construit et dans ce but il a demandé le concours du dieu architecte Kouthar . Yam symbolise les civilisations prestigieuses d'Outremer car la Crète est sa résidence, l'Egypte son patrimoine.

El semble approuver le dessein de son fils Yam et prêt à lui reconnaître la royauté parmi les dieux sans tenir compte des protestations d'Astar (?) prétendant au trône divin constamment évincé.

Mais Yam devient arrogant et demande que BAAL lui soit remis comme esclave.

El accepte non sans ironie car BAAL est assisté des déesses Anat sa belliqueuse soeur et d'Astarté.

Kouthar lui a forgé deux massues d'une puissance magique: "chasse" et "repousse" qui volent dans la main de BAAL comme des aigles.

Avec elles BAAL écrase la tête de son ennemi et Astarté proclame :" A coup sur Yam est mort et BAAL est notre roi"

Ce mythe a donné deux interprétations:

-l'une de caractère historique voit en Yam la personnification des peuples de la mer assaillant la côte phénicienne repoussés par le dieu d'Ougarit.

- l'autre procède d'une comparaison entre ce mythe et le poème babylonien de la création où Mardouk le champion des dieux, fend en deux le cadavre de Tiamat, la puissance de la mer pour en former le monde.
Le palais de BAAL- La déesse ANAT

Un banquet en l'honneur de Baal. On y voit sa soeur ANAT combattre et massacrer des guerriers "plongeant les genoux dans leur sang et empilant leurs têtes"

( Par sa fureur belliqueuse, la déesse Anat avait séduit les égyptiens notamment les Pharaons conquérants de la XIX ° dynastie en même temps qu'une autre déesse sémitique lui ressemblant Astarté)

Le massacre terminé, Anat revient sur l'ordre de Baal à des travaux plus pacifiques (fertilité du sol car la déesse est aussi une déesse de la vie et de la fécondité; son nom doit être rapproché de la désignation sémitique de la source : AYN)

Baal convoque sa soeur auprès de lui; Anat s'en étonne, elle qui a combattu les ennemis de son frère, le Prince Yam, le dragon Tannin et Lotan le serpent tortueux, la bête aux sept têtes.

Vraisemblablement le dieu lui demande d'intervenir auprès du père des dieux EL car nous la retrouvons auprès de lui auquel elle déclare:" Le puissant Baal est notre roi, notre juge, il n'est personne au-dessus de lui; pourtant il n'a point de maison comme les dieux, il n'a point de cour comme les fils d'Athirat".

Le père des dieux acquiesce et envoie chercher en Egypte l'architecte divin Kouthar.

Dans la seconde tablette , c'est Athirat la mère des dieux elle-même qui reconnait la royauté de Baal et demande à El qu'on lui construise un palais magnifique d'or et d'argent et de Lapis-lazuli afin que Baal donne des pluies abondantes.

Nous voyons ensuite Kouthar à l'oeuvre allumant ses forges dans le palais en construction mais Baal est inquiet car Kouthar veut ménager des ouvertures dans la maison qu'il bâtit.

Baal pense au somptueux banquet qu'il va offrir aux dieux et part visiter les villes de son royaume.

A son retour il accepte le plan de Kouthar: une fenêtre sera ouverte

Soudain le ton change: à peine consacrée par l'édification du palais, la royauté de Baal est menacée par le dieu MOT, habitant une demeure souterraine et puante qui lance à Baal un défit.

Le palais de Baal semble être à la fois la résidence céleste du dieu et son reflet terrestre, le Temple de Baal à Ougarit. Le poème devait être récité lors de la cérémonie d'inauguration du temple ou d'intronisation périodique de Baal. Maitre de l'orage, celui-ci assure la nourriture des hommes et des dieux mais pour répandre ses bienfaits il doit quitter sa demeure sous forme de pluie...
Baal et Mot

Mot dont le nom parait signifier la mort somme Baal de descendre dans sa gorge, avide de le dévorer: il tend ses lèvres jusqu'aux cieux, sa langue jusqu'aux étoiles

Baal ne résiste pas et se déclare l'esclave de Mot

Avant de se rendre il s'unit à une génisse qui n'est autre qu'Anat et un fils nait de cette union. Ce qui pourrait signifier que Baal préside à la reproduction du bétail avant de disparaître.

On append à EL la mort de Baal.

Le prince de la terre et le père des cieux porte le deuil, Anat pleure et se déchire la poitrine.

Athirat essaie de faire siéger Astar sur le trône vacant mais le prétendant n'est pas de taille.

Anat part à la recherche de son frère avec l'aide de la déesse solaire Shapash; elle trouve Mot et lui fait rendre gorge:

"Elle le moissonne, le vanne, le grille, disperse sa chair dans les champs et les oiseaux le dévorent"

Alors El sait par un rêve que Baal va être rendu à la vie: il voit par anticipation les cieux dégoutter d'huile, les ruisseaux couler comme du miel. Il ordonne à Anat et à Shapash d'aller chercher Baal. Un fragment de tablette raconte comment les déesses portent le dieu mort sur les hauteurs du Tsaphon, où peut-on présumer, il reprendra son règne glorieux.

Il s'agit clairement d'un mythe agraire, fondement d'un rituel de fertilité

Baal = pluie dont la terre a besoin pour produire des fruits; Mot incarne le grain qui doit germer en se gorgeant d'eau; quand les averses ont pris fin Baal est mort, il a donné sa substance au grain qui mûrit. Mais au moment même où le trône de Baal est vide (au fort de l'été), Anat et la déesse solaire recueuillant les restes du dieu, préparent la reconstitution des nuages.

Le traitement qu' Anat fait subir à Mot s'éclaire par le rituel de la gerbe attesté par différents folklores.

Les cultes agraires sont souvent générateurs d'une pensée émotive et fervente. Le mythe de Baal et de Mot laisse entrevoir que les sémites d'Ougarit ont connu les émotions intenses de ces cultes et montre comment Baal a pu devenir le premier et le plus cher de leurs dieux.

-Mythologies de la méditerranée au Gange sous la direction de P. Grimal

-Dictionnaire de la civilisation Phénicienne Punique

- Les Phéniciens http://www.pheniciens.com/index.html

ougarit shed

Shadrapha ,Shed guérisseur: reproduction d'une stèle provenant d'Amrith en Phénicie

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