dimanche, 17 février 2013 00:00

Serguei Rachmaninov

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(1873-1943)

« Je ne suis vraiment moi-même que dans la musique. La musique suffit à une vie entière. Mais une vie entière ne suffit pas à la musique. » Sergueï Rachmaninov.

L'un des plus typique représentant de la deuxième génération de musiciens russes (après Glinka , Cui, Balakirev, Borodine, Rimsky Korsakov, Moussorgsky puis Tchaïkovsky) Il délaisse le nationalisme de ses prédécesseurs et aspire à une musique à la fois « universellement russe » et pure – une musique en soi essentiellement mélodique inspirée de l'esprit russe voué traditionnellement au chant, et non pas un art « anecdotique ».

Par ses options mélodiques il reste toutefois en partie fidèle à Tchaikovsky dans un style post-romantique . On l'apparente aussi, pour certaines de ses partitions aux poètes symbolistes russes de son époque qui pratiquaient « une sorte de lyrisme sans objet réel, d'émotion à l'état pur, détachée de son prétexte » .

« La musique vient du coeur et ne parle qu'au coeur ; elle est amour ! La soeur de la Musique est la Poésie et sa mère est le Chagrin. » Sergueï Rachmaninov, 1932.

A ses options il devra d'être tenu à l'écart du mouvement plus résolument tourné vers des sonorités et des recherches nouvelles de Stravinsky , Scriabine et Prokofiev, et d'être souvent contesté par les critiques, aussi bien à l'Est qu'aux Etats Unis où il s'était réfugié après la révolution de 1917, pendant laquelle sa famille fut très éprouvée .

Longtemps ne lui fut reconnu par le milieu musical que sa virtuosité de pianiste ou de brillant chef d'orchestre mais la popularité acquise immédiatement auprès du public s'est depuis largement confirmée.

Extrait sur Youtube : concerto pour piano n° 2 , mvt 2 Au piano : Hélène Grimaud Dir Claudio  Abado

Un Russe en Amérique

(par Sigrid  Neef)

Serge Rachmaninov (1873-1943) fut un brillant chef d'orchestre et le plus grand pianiste de son époque; compositeur contesté par les critiques, il est toutefois tenu en haute estime par les mélomanes. Ses quatre Concertos pour piano furent les symboles d'une musique empreinte d'une puissance émotionnelle intacte à une époque dominée par la Neue Sachlichkeit (Nouvelle Objectivité). Ils furent admirés comme oeuvres d'un romantisme tardif ou raillés - Stravinsky disait qu'ils étaient de la musique de film». A travers cette longue respiration musicale - qui est devenue sa marque - évoquant une vie intime mouvementée, Rachmaninov s'opposa en effet à un monde éphémère, à la recherche d'une brève ivresse des sens.
Ce trait vaut surtout pour le Concerto pour piano n° 2 en ut mineur op. 18, le plus célèbre de tous. En dépit de son atmosphère empreinte de retenue et de mélancolie, c'est une œuvre de joie et de reconnaissance, dédiée au docteur Nicolaï Dahl qui délivra Rachmaninov d'une crise créatrice qui dura trois ans. L'étroitesse d'esprit des milieux musicaux fut à l'origine du fiasco qui marqua la création de la Symphonie n° 1 à Saint-Pétersbourg, en 1897. Cet échec entraîna chez Rachmaninov, âgé de 24 ans, la paralysie de son énergie créatrice qu'il ne surmonta qu'en 1900, avec la composition du Concerto n° 2 pour piano. La création de l'œuvre qui eut lieu à l'automne 1901, sous la direction d'Alexandre Siloti et avec le compositeur comme soliste, fut un succès triomphal.
Les premières mesures s'avèrent déjà un génial chiffre sonore; comme émergeant du silence, le soliste énonce pianissimo les premières notes d'un prélude qui s'enfle jusqu'au fortissimo, les lumineux accords arpégés forment contraste avec les sons graves de la basse jusqu'à ce qu'un mouvement plein d'élan s'arrache à cette terre des origines et évoque une renaissance, une résurrection d'entre les morts. C'est en même temps une allusion géniale aux carillons des églises orthodoxes russes, à l'opposition et à l'harmonie des petites cloches au timbre clair et de la sonorité sourde de la cloche principale, le rappel que joie et douleur ne font qu'un. Surprenante est aussi l'introduction qui rompt avec toutes les normes et englobe pratiquement le premier thème. Ce n'est plus ici l'opposition entre les thèmes ou la joute entre le soliste et l'orchestre qui importe; au contraire, Rachmaninov y construit, de son propre aveu, son concerto pour piano «autour de moments forts»et aspirait à «surmonter l'ultime barrière entre la vérité et son expression."
Le Concerto pour piano n° 3 en ré mineur op. 30 est une œuvre à la fois profondément russe et cosmopolite. Composé au cours de l'heureux été de 1909 à Ivanovka en vue d'une tournée américaine, il fut créé le 28 novembre 1909 à New York sous la direction de Walter Damrosch avec Rachmaninov ou piano et rejoué, dès le mois de janvier 1910, au Carnegie Hall avec l'Orchestre Philharmonique de New York, dirigé par Gustav Mahler. C'est Arthur Rubinstein qui, faisant allusion à la longueur et aux difficultés techniques de cette œuvre dédiée au pianiste et compositeur américain Joseph Hoffman, le baptisa «concerto éléphant» par manière de plaisanterie.
Un "Russe en Amérique»: Rachmaninov n'avait pas seulement apporté au public américain l'Intonation mélancolique de ses thèmes et de ses mélodies, il voulait aussi, avec cette œuvre, lui faire entendre le silence et tes sons de la nature tels qu'il les avait découverts et aimés à Ivanovka. Ici aussi, il dévoile son propos dès les premières mesures du premier mouvement : être simple sans être simpliste. A partir de la mélodie en ré mineur d'une trompeuse simplicité se développe un tissu musical complexe, riche en allusions et références de toutes sortes. Ici point de gestes emphatiques, point de virtuosité exacerbée en dépit du rôle capital joué par la cadence. On peut parler à propos de ce concerto de «moments forts inverses". Si d'habitude les développements musicaux mènent à des explosions intenses et dramatiques, ici ce sont des moments lumineux et paisibles qui sont au cœur du devenir musical.

1er mouvement :

Le Concerto pour piano en fa dièse mineur op. 1, composé en 1890/91 occupe une place importante dans la vie et dans l'œuvre du compositeur. Rachmaninov avait 22 ans lorsqu'il joue en concert le premier mouvement avec l'Orchestre du Conservatoire de Moscou. L'œuvre Intégrale fut créée en 1899, lors d'une tournée de concerts à Londres. Rachmaninov dédia son opus 1. inspiré du Concerto pour piano d'Eduard Grieg. à son cousin et professeur de piano, le pianiste et chef d'orchestre Alexandre Siloti qui tenait aussi en haute estime cette œuvre du compositeur norvégien. Mais il faut se garder de voir dans cette première composition, la création d'un épigone. Rachmaninov a déjà trouvé son «propre langage». En 1917,Rachmaninov remania son opus 1 sans en modifier les thèmes ni ravir sa fraîcheur à cette géniale œuvre de jeunesse. C'est cette deuxième version qui est présentée ici Une brève et marquante fanfare des vents capte immédiatement l'attention de l'auditeur avant qu'un fortissimo de l'orchestre n'amène l'entrée virtuose du soliste. Elle s'achève toutefois après quel­ques mesures seulement et cède la place à une cadence empreinte de retenue méditative Quelques effets ponctuent le dialogue entre le soliste et l'orchestre, mais les échanges ne se déroulent pas dans cet esprit de rivalité vindicative habituel, mais favorisent plutôt le lent épanouissement d'états émotionnels. Le nocturne enchanteur (2" mouvement) s'achève sur une magistrale modulation; ainsi le finale de type scherzo peut-il commencer au demi-ton inférieur, procédé imité de Beethoven (Cinquième Concerto pour piano)

Le dernier Concerto pour piano n° 4 en sol mineur op. 40 fut composé en 1926, neuf ans après que Rachmaninov eut quitté la Russie soviétique; il fut créé le 16 mars 1927 à Philadelphie par le compositeur sous la direction de Leopold Stokowski. Il est dédié au compositeur Nicolai Medtner, ami de Rachmaninov qui se montre ici russe et là citoyen du monde. Ainsi utilisa-t-il dans le mouvement médian la chanson enfantine anglaise Three blind mice, mais iI en transforma la mélodie et l'expression par le tempo largo et les chromatismes, l'assimila à sa pensée et à sa sensibilité russe et découvrit ainsi, sur une terre étrangère, sa nature profonde. On pourrait dire de Rachmaninov qu'il est le maître du silence, tant ce largo devient le coeur de toute l'œuvre, auquel sont adjoints uniquement deux mouvements extrêmes contrastants qui décrivent le cours de l'univers.

Concerto n°4 : au piano Rachmaninov

Rachmaninov avait 61 ans lorsqu'il composa, ou cours de l'été 1934, la Rhapsodie sur un thème de Paganini op. 43 qui a un peu valeur de testament. Le compositeur, profondément croyant et resté russe jusqu'au fond de l'âme, nourrissait une grande de suspicion vis-à-vis de l'idée de progrès proclamée par l'Européen moderne et, surtout, à l'égard du mythe de l'homme transformant le monde dans un sens positif. Ce débat philosophique avait déjà inspiré, en 1907/1908, la Sonate n° 1 pour piano, une réflexion sur le Faust de Goethe. En 1934, face à l'aggravation des problèmes politiques en Europe, Rachmaninov reprit ce sujet de méditation et choisit, au lieu de l'histoire de Faust, la légende de Paganini : on dit que le célèbre violoniste virtuose italien aurait vendu son âme au diable afin de parvenir à une parfaite maîtrise de son art et d'obtenir l'amour d'une femme. La création de la Rhapsodie eut lieu le 7 novembre 1934. à Baltimore. avec l'Orchestre de Philadelphie sous la direction de Leopold Stokowski; cette fois encore, le compositeur était au piano.
Rachmaninov choisit comme thème de départ de ses 24 variations, le dernier des Ventiquattro capricci per violino solo de Niccolà Paganini qui, en tant qu'opus 1, ne sont pas seulement devenus un classique de la littérature pour violon, mais ont inspiré aussi de nombreux autres compositeurs comme Liszt, Brahms, Casella et Lutoslawski. Rachmaninov présente ce thème marquant et dynamique après une quasi-introduction qui s'avère être a posteriori la première variation Le compositeur ne soumet pas son thème à de profondes variations ou mutations, ne lui ajoutant que des aspects plutôt contingents. Dans la septième variation parait un second motif essentiel, la citation du Dies irae extrait de la messe des morts grégorienne, d'après Rachmaninov un indice que des forces obscures sont à l'œuvre.

Le motif du Dies irae, synonyme de l'Idée que le jour de colère peut survenir à tout instant, occupe dans l'œuvre de Rachmaninov une place privilégiée. On le retrouve dans la Première Symphonie de 1895/1896, dans la Sonate pour piano n° 1 en ré mineur de 1907, dans le poème symphonique L'Ile des morts de 1909 et il s'impose dans la Rhapsodie op. 43 de 1934, la Symphonie n° 3 op. 44 composée en 1935/1936 ainsi que dans les Danses symphoniques op. 45 de 1940. La dernière barrière entre la vérité et son expression musicale semblait, pour Rachmaninov, avoir été surmontée dans le motif du Dies Irae, C'est là le message du Russe ou Nouveau Monde.

Sigrid Neef (Traduction; Christian Hinzelin)

Rhapsodie  sur  un  thème  de   Paganini :

 

Pour terminer  provisoirement   cette page  ,  une oeuvre  trés différente  , oeuvre vocale  :  Vocalise  ,  interprété  par  Natalie  Dessay :

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